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Une branche des FEMEN se constitue à Istanbul

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FEMEN1L’organisation contestataire féministe FEMEN compte désormais une branche turque, à Istanbul. FEMEN-Türkiye a annoncé sa création, le 25 octobre dernier, diffusant la nouvelle sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter notamment) et affichant d’emblée sa solidarité avec la contestation-phare du moment en Turquie : le mouvement d’opposition à la route qui doit traverser, à Ankara, le campus de l’Université technique du Moyen-Orient (Orta Doğu Teknik Üniversitesi – ODTÜ). Cette nouvelle vague de protestation, qui a pris corps au mois d’août dernier, apparaît en effet, comme une sorte de prolongement des événements de Gezi Parkı, qui avaient secoué la Turquie, au mois de juin 2013. Il entretient le feu de vifs débats et polémiques, et ce d’autant plus que, comme sur la place Taksim, il concerne des arbres ! L’arrachage de 3000 arbres par la municipalité AKP d’Ankara pendant les vacances de l’Eid el-Kebir (Kurban Bayramı) vient d’ailleurs de raviver les tensions. L’opposition voit dans cette opération une nouvelle preuve de l’intransigeance du gouvernement, Recep Tayyip Erdoğan, qui  pour sa part a affirmé récemment qu’il détruirait même une mosquée pour faire passer une route dès lors qu’elle a été reconnue d’utilité publique, estime que la défense de l’environnement est en l’occurrence instrumentalisée une nouvelle fois par des activistes qui auraient en fait d’autres objectifs. Quoiqu’il en soit la nouvelle organisation FEMEN-Türkiye a placé le mouvement de l’ODTÜ en tête de ses préoccupations fondatrices, puisqu’elle a d’emblée affiché, sur les pages de ses réseaux sociaux, une militante dénommée Güntülü dont la poitrine, outre le célèbre logo des FEMEN, arbore le sigle de l’ODTÜ.

La création de la branche turque de l’organisation féministe d’origine ukrainienne n’est pas réellement une surprise. À plusieurs reprises, les FEMEN se sont fait connaître en Turquie, au cours des derniers mois. Pour la journée internationaleFEMEN2 de la femme, le 8 mars 2012, des membres ukrainiennes du mouvement avaient manifesté à Istanbul contre les violences conjugales, créant la polémique, car ayant été sponsorisées par la marque de lingerie turque Suwen International, au terme d’une mise en scène, semble-t-il, assez convenue. Le 5 juillet 2013, une femme dénommée Sarah s’était mise seins nus dans le hall de l’aéroport Sabiha Gökçen, dans la partie asiatique d’Istanbul, pour soutenir le mouvement Gezi. Consécutivement à cette nouvelle initiative, FEMEN avait adressé un communiqué à l’AFP priant «instamment et avec amour le peuple turc de ne pas plier face la répression d’Erdoğan et de sa police».

Dans le reste du monde musulman, les FEMEN ont aussi manifesté depuis le début des printemps arabes. En octobre 2011, en Égypte, pour tenter de conjurer la violence ambiante envers les femmes, une étudiante de science politique de l’Université FEMEN3américaine du Caire, Alia Magda el-Mahdy, n’a pas hésité à poser nue sur son blog. Devenue personna non gratae dans son propre pays, elle a poursuivi son combat à l’étranger. En décembre 2012, pour protester contre la nouvelle constitution que Mohamed Morsi était en train de faire adopter, elle s’est mise nue en compagnie de deux FEMEN ukrainiennes, devant l’ambassade d’Égypte à Stockholm, brandissant un drapeau égyptien, la poitrine revêtue du seul mot d’ordre : «Sharia is not a Constitution !» (La charia n’est pas une Constitution !). Cette nouvelle initiative n’avait pas reçu le soutien des révolutionnaires égyptiens en particulier ceux du Mouvement du 6 avril, qui l’avait qualifiée «d’obscène». Entretemps, au printemps 2012, des Iraniennes ont pris l’initiative de poser seins nus sur une vidéo pour expliquer que «ce qui est pornographique ce sont les lois islamiques qui font de la femme un objet sexuel.» Plus récemment, surtout, c’est l’affaire Amina Tyler qui a défrayé la chronique. Ayant publié, en mars 2013, sur les réseaux sociaux une photo d’elle seins nus, accompagnée du mot d’ordre «mon corps m’appartient et n’est source d’honneur pour personne !», cette lycéenne tunisienne avait été enlevée par sa famille et séquestrée pendant plusieurs semaines. Ayant recouvré sa liberté, elle avait été arrêtée, cette fois, par la police, pour avoir tagué le mur d’un cimetière, et son procès avait suscité un important mouvement de solidarité des FEMEN, marqué par plusieurs initiatives spectaculaires en France et en Tunisie. Finalement libérée en août 2013, la jeune fille a peu après annoncé qu’elle quittait les FEMEN, mettant en cause leurs sources de financement et leur reprochant d’être devenues «islamophobes».

Au moment où ce mouvement féministe, après un premier engouement, suscite des interrogations concernant l’origine de ses ressources, ses modes d’action et son approche du monde musulman, il sera donc intéressant de voir si les FEMEN turques réussiront à percer dans le paysage contestataire dense d’un pays ayant déjà un mouvement féministe ancien. Après la contestation de l’ODTÜ, il faudra voir notamment sur quels thèmes, les FEMEN turques choisiront de se mobiliser et comment elles seront perçues par les organisations qui animent les contestations ambiantes en Turquie. Pour l’heure,FEMEN4 FEMEN-Türkiye peut déjà mettre à son actif une première initiative, celle d’une jeune femme dénommée Didem Dinç qui, le 26 octobre, a posé, poing levé, les seins nus peints du drapeau turc, en arborant le mot d’ordre «Savaşa Hayır !» (Non à la guerre !), dans une rue passante de Kadıköy, à Istanbul. Cette protestation contre les positions du gouvernement à l’égard de la crise syrienne a amené Didem Dinç à expliquer sur Twitter, qu’elle posait depuis sept ans en qualité modèle d’art, et qu’elle était donc tout à fait prête à faire désormais pour la nouvelle branche turque du mouvement féministe, ce qu’elle avait fait pour l’art antérieurement. FEMEN-Türkiye a immédiatement répercuté sur Internet l’action de Didem, en encourageant d’autres activistes potentielles à l’imiter «pour défendre la démocratie en Turquie». Reste à savoir, comme l’on dit, si la mayonnaise prendra…

JM


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